On rencontre aujourd'hui Frédéric Grosset, responsable du pôle impression 3D sur le site d'Annecy du groupe Japonais ARRK. Sa vaste expérience dans le domaine de la fabrication additive nous permette d'échanger avec lui sur le passé, le présent et l'avenir de la technologie.
TSL- Pourrais-tu décrire brièvement ton parcours professionnel?
Frédéric - De formation en modelage mécanique puis dessinateur industriel, j’ai démarré mon parcours professionnel à l’établi en tant que technicien modeleur en 1991.
Après 3 années passées à l’atelier, ma société a décidé de s’équiper d’une machine de stéréolithographie de grand format 600x600x400 du Fabriquant EOS-gmbh. Ce fut la 1ère machine (en Béta-test) de cette dimension en France et le démarrage fut assez compliqué puisque c’était une machine quasi unique, on peut même dire que c’était un prototype fabriqué à la demande de BMW.
Voilà, j’avais mis un pied dans le monde de l’impression 3D et 2 ans plus tard mon entreprise investissait à nouveau dans 2 autres machines toujours EOS : une autre SLA de même dimension et une des première SLS. Cette fois ci, je baignais complètement dans la fabrication additive.
En 2004, la 1ère machine SLM de marque MCP a été intégrée, rapidement suivie par d’autres machines pour l’application dentaire, joaillerie et aérospatiale.
"25 ans en arrière, l’impression 3D était exclusivement réservée au secteur industriel, l’équipement coutait très cher comme la prestation."
Comment c'était le domaine de l'impression 3D il y a 25 ans?
L’impression 3D attisait beaucoup la curiosité et le sentiment que chacun voulait goûter cette nouveauté pour obtenir des pièces, mais il y avait encore une grosse contrainte pour arriver à cela : la nécessité absolue d’avoir un fichier numérique 3D parfait et ce n’était pas souvent le cas.
Et le phénomène marquant était déjà cette surmédiatisation qui a eu un rôle prépondérant au démarrage avec quelquefois des articles un peu trop loin de la réalité, ex : « venez avec un fichier 3D le matin et repartez avec cette pièce imprimée l’après-midi »
Au niveau marché, qui était le client et les utilisateurs type?
Les premiers clients étaient principalement des plasturgistes puis rapidement le secteur de l’automobile est devenu très demandeur.
N’oublions pas aussi les masters pour la coulée sous vide habituellement réalisés par des méthodes traditionnelles (usinage et maquettage) ont rapidement été imprimés en 3D, ce qui s’est traduit par un gain de temps considérable pour disposer du modèle.
Genre de pièces qu'on faisait à l'époque?
Des pièces pour l’électroménager. J’ai souvenir des éléments techniques de lave-vaisselle (environ 500x500x150mm) donc typiquement un projet de plasturgiste, puis rapidement l’automobile a voulu tester avec un défi (à l’époque) : un tableau de bord avec duplication par moulage silicone et coulée de quelques unités en résine PU. Le résultat très positif a vite fait s’enchaîner de multiples projets aussi imposants les années suivantes.
Au niveau de matières?
La matière est toujours le point sensible en technologie résine. D’abord les acrylates des débuts étaient très fragiles et sujet aux déformations, puis en 1995, une seconde génération de résine vinylester du chimiste Allied-Signal plus performante mais également très contraignante à mettre en œuvre et en 1996, l’apparition des 1ères résines époxy qui ont considérablement amélioré la qualité et les propriétés mécaniques des pièces.
Le SLS quant à lui utilisant un thermoplastique PA12 n’a subi que peu d’évolution sauf l’utilisation de poudres plus fines qui ont amélioré l’aspect des pièces.
Finalement, les machines ont peu évolué sur le plan technique, les améliorations concernent principalement la fiabilité des systèmes et la vitesse de balayage laser.
On parle souvent de la démocratisation de la Fabrication additive dans le décennie 2010-2020, mais comment a-t-elle évolué pendant ce dernier quart de siècle ?
25 ans en arrière, l’impression 3D était exclusivement réservée au secteur industriel, l’équipement coutait très cher comme la prestation. À partir de 2005, on a vu apparaître des alternatives beaucoup plus abordables comme le polyjet et binder jetting.
Entre 2010 et 2020, les technologies comme le FDM et DLP rendent accessibles des machines au plus grand nombre (ainsi qu’aux particuliers).
Qu'est-ce qu'il a changé depuis les années 90 au niveau de technologies, matériaux, procédés, domaines d'activité et utilisateurs?
Depuis les 90, les technologies se sont diversifiées mais la méthode reste la même : le couche par couche.
Au-delà de l’évolution des matériaux et leur diversité, le potentiel de la fabrication additive réside aussi dans la liberté de conception et aujourd’hui le design des produits est adapté et pensé pour cette technologie.
"L’impression 3D plastique devrait monter en puissance dans le domaine de la fabrication directe en série grâce à l’évolution permanente des capacités de production"
Nous sommes où aujourd'hui?
Les chimistes s’investissent énormément pour proposer des matériaux durables aux propriétés mécaniques de plus en plus proches des matières d’injection donc je pense que l’impression 3D pourrait prendre un tournant dans un avenir assez proche.
Au-delà des promesses offertes par les fabricants de machines et matériaux sur la performance et la pertinence de la fabrication additive, il restera à convaincre les clients de changer leurs habitudes, ce qui est très difficile, bref changer les mentalités
Tu vois l'avenir comment? On espère des nouvelles révolutions dans le marché de l'impression 3D? Le plus attendu est peut être au niveau des matières?
Les perspectives de l’impression 3D restent prometteuses et beaucoup de profession veulent avoir recours à la fabrication additive : bâtiment, restauration, la mode vestimentaire, etc.
Pour moi, l’avenir dépend principalement des matériaux pouvant être mis en œuvre mais il est certain que dans ce domaine les progrès sont considérables. Oui, les matériaux, c’est "le fer de lance" dans la fabrication additive.
Il arrivera un jour où on pourra fabriquer des pièces en série avec l'impression 3D (métal ou plastique)?
L’impression 3D plastique devrait monter en puissance dans le domaine de la fabrication directe en série grâce à l’évolution permanente des capacités de production et en apportant une flexibilité totale sur l’évolution des pièces en cours de production (ce qui est contraignant financièrement/timing dans le cas du moulage par injection classique).
En métal, aborder la série est plus compliqué par le procédé classique SLM du fait des fortes contraintes de post-traitement. Cependant, la technique du MBJ assez récente ouvre de nouvelles perspectives pour aborder la série sur certaines typologies de pièces.
RÉFÉRENCES
Images avec l'aimable autorisation de ARRK Europe.
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